Mon collègue m’est précieux…

Il faut souvent attendre un départ à la retraite, une mutation, un changement de poste, de fonction, d’institution ou d’entreprise, quand ce n’est pas malheureusement un décès, pour que soit exprimé à propos de ce collègue à quel point il a été apprécié. Parfois même, les louanges semblent dépasser une forme de réalité perçue dans l’instant, comme s’ils avaient été concentrés depuis des années pour être déversés en une seule fois, lors de cette occasion unique.

Il se mêle alors des sentiments mitigés pour celui qui reçoit ces témoignages : de la fierté et de la gratitude, mais également du questionnement a minima et quelquefois un certain goût d’amertume de ne pas avoir entendu ces mots plus tôt, peut-être à des moments où il en aurait eu besoin.

Certes la pudeur peut retenir les élans qui pourraient voir le jour, dans le quotidien de la vie professionnelle. Comme si la réserve adoptée garantissait de tout glissement hors des normes relationnelles en vigueur. Or, nous savons bien qu’il n’en est rien.

Alors comment témoigner authentiquement de la considération que l’on porte à ses collègues ?

J’aime à vous partager ce très beau texte de Thich Nhat Hanh qui ouvre des portes à cette question.
« La première fois que j’ai découvert l’étreinte, c’était à Atlanta, en 1966. Au moment de me dire au revoir, la femme qui m’accompagnait à l’aéroport m’avait demandé si cela se faisait de serrer un moine bouddhiste dans ses bras. Il est vrai que dans mon pays nous n’avons pas l’habitude de montrer nos sentiments en public de cette façon, mais je me dis qu’en tant que maître zen, cela ne devrait pas me poser trop de problèmes et répondis : ‘Pourquoi pas ?’. Mais au moment où elle me serra dans ses bras, je n’étais pas vraiment détendu. Une fois dans l’avion, je me dis que si je voulais travailler avec des amis occidentaux, j’avais intérêt à mieux connaître leur culture. C’est la raison pour laquelle j’ai créé la méditation de l’étreinte.

La méditation de l’étreinte est une méditation à la fois occidentale et orientale. Pour la pratiquer correctement, il faut que vous sentiez vraiment dans vos bras la réalité et la présence de l’autre. Il ne s’agit pas de faire ‘comme si’ et de donner à l’autre trois petites tapes dans le dos pour lui faire croire que vous êtes là. Dans l’étreinte, vous êtes vraiment présent. Vous tenez l’autre dans vos bras en respirant consciemment et vous lui offrez tout votre être -corps, coeur, esprit. ‘J’inspire, et je sais que mon
ami est dans mes bras, vivant. J’expire, et je sais combien il m’est précieux.’ Le temps de partager trois respirations conscientes et celui qui est dans vos bras devient vraiment réel pour vous, tout comme vous le devenez pour lui. (…)

Vivre ensemble est un art. L’art est l’essence de la vie. Nos paroles et nos actes doivent être remplis
d’art. La substance de l’art est la pleine conscience. »

Et nous, quelle qualité de présence à nous-mêmes, et à nos collègues exprimons-nous ?

Thich Nhat Hanh « La plénitude de l’instant. Vivre en pleine conscience. » 2007