Eloge de la discrétion
Chaque équipe a ses couleurs, à l’instar d’un drapeau, qui lui confèrent son identité, mais également à
l’image d’un paysage, changeant à l’aune des saisons et des heures de la journée. On y remarque souvent
les traits les plus saillants, les reliefs particuliers, l’incidence des reflets lumineux. Et ce n’est souvent
qu’à la faveur d’une patience qui laisse advenir à la conscience ce qui veut bien s’y révéler que se
perçoivent d’autres mondes, tels une aquarelle et ses camaïeux de couleurs.
Il en est un peu de même lorsqu’on rencontre une équipe. Elle se meut, s’émeut, laisse éclater ses mots,
ses gestes, ses élans, ses retenues, ses regards, ses non-dits, composant une toile animée. Les personnalités
se côtoient, pour certaines s’entre-mêlent de complicité amicale ou au contraire s’opposent de façon plus
ou moins perceptible. Et nous percevons au premier abord surtout les reliefs, les prises de parole,
d’initiative, les gestuelles qui habitent l’espace et qui rythment le temps.
Et puis, quelquefois, il y a cette personne discrète, dont on ne sait pas quoi penser.
Peut-être parce qu’il y a davantage à ressentir qu’à penser. Comme un parfum léger. Pas celui suave et
puissant du mimosa. Plutôt une touche de jasmin.
Un ton sur ton. Blanc sur blanc. A peine doux comme le miel crémeux. Quelque chose du goût de l’eau
quand elle rit. Sans éclabousser, comme un murmure.
Une présence de velours et de soie qui nous caresse quand on sait se taire. Une vibration qui donne sa
densité mystérieuse au silence. Un être là. Un coeur qui bat. Qu’on ne sait plus entendre dans le bruit du
monde.
Pourtant, cette discrétion s’érige telle une clé de voûte du soi, du souffle. Fondation de la matière d’avant
sa vanité. Clé de sol pour la musique de l’âme. Etat de grâce pour l’espérance. Germoir des possibles où
s’enracine l’expérience. Terreau fertile pour les promesses de bourgeons. Mer apaisée, abritant
probablement quelques cités englouties d’histoires et de temples secrets.
Etat d’être au monde, tel un impalpable gant qui se révèle quand on lui serre la main, colorant la rencontre
de sa délicatesse. Faisant jouer la relation sur le mode adagio. Laissant filtrer la lumière comme à travers
les persiennes. Nous rappelant la subtilité de la palette des nuances de la vie et l’humilité de l’éphémérité
du passage.
Hommage aux discrètes et aux discrets, sans qui la toile humaine n’aurait plus tous ces fils.