Stress et drivers : la part du lion - Accorliance
     

Stress et drivers : la part du lion

Vous souvenez-vous de la dernière fois que vous vous êtes senti(e) stressé(e) ?
En posant cette question, j’ai souvent été confrontée à des réactions témoignant d’une évidence tout
autant désolante qu’envahissante : « en fait, il y a beaucoup de situations, et certaines sont même
devenues ‘habituelles’ ».

Effectivement, les occasions de ressentir du stress ne manquent pas dans notre vie occidentale. Le rapport au temps arrive sans doute en tête avec ses deux motifs de pression : la ponctualité et la gestion d’un volume copieux de charges quotidiennes. Mais les aspects financiers, la santé (la nôtre, celles de nos proches), les enfants, les enjeux professionnels etc. sont également autant de sources qui impactent nos états psychologiques dans le décours de nos journées. Nos paysages intérieurs en sont teintés, nous projetant dans des exercices plus ou moins tendus pour accomplir toutes les missions censées l’être dans la journée.

L’art de la délégation, du détachement, de l’organisation, de l’évaluation des priorités deviennent les atouts indispensables à qui veut survivre sereinement dans une vie bien remplie. Le stress est en effet devenu un symptôme atteignant une part majoritaire de la population en France et au-delà.

Pour autant, lorsque nous regardons de plus près, nous remarquons que ce qui nous génère du stress, n’en provoque pas forcément à nos proches, ou pas de la même façon. Par exemple, un collègue ne semble pas se stresser devant l’urgence de rendre un dossier collaboratif. Nos enfants semblent traversés d’indifférence face au désordre dans leur chambre ou leurs chaussures qui traînent dans toute la maison. Mon conjoint ne paraît pas affecté par le bruit de la circulation intense dans la rue.

Ces constats appellent des remarques :

– le ressenti du stress est subjectif face à des situations identiques.

– il peut résulter de causes externes (la densité de la circulation sur la route) ou de causes internes (la pression que je me mets pour avoir une maison impeccable pour recevoir des amis).

– le ressenti du stress  se caractérise par des intensités différentes, de la contrariété appuyée à la panique.

Dès lors, comment définir le stress et le distinguer d’autres états ?

Le stress est un ensemble de réactions psychiques et physiologiques en réponse à une agression subie, une pression, ou une situation inhabituelle. 

Le stress est ainsi à distinguer de l’anxiété qui est une peur par anticipation, par projection dans le futur. 

Le stress est ainsi un ensemble de réactions à des pressions externes ou internes qui perturbent nos modes de fonctionnement habituels, nous contraignant à sortir de ce que l’on pourrait nommer notre zone de confort.

Pour autant, le stress a-t-il seulement des effets négatifs ?

Trois phases distinctes doivent être envisagées :

– la phase d’alarme qui nous met en mouvement par rapport à un danger réel ou perçu, ou encore par rapport à un objectif. Cette phase se caractérise par une production d’adrénaline et de cortisol, deux hormones qui augmentent l’attention, la concentration, la réactivité… Il est ainsi plutôt source d’états favorables à l’action, et d’ailleurs recherché par les artistes, les sportifs qui doivent performer.

– la phase de résistance qui exprime une adaptation par rapport à des situations répétitives. Cette phase pourrait laisser à penser que le stress n’a pas d’impact sur la personne, qui déploie des comportements adaptés aux situations. Pour autant, la production permanente de cortisol va amener inévitablement l’organisme à la phase suivante.

– la phase d’épuisement qui traduit un état de fatigue extrême pouvant aller jusqu’au burn-out, à la dépression par épuisement des ressources internes.

C’est donc l’intensité, la fréquence et la récurrence de l’état de stress qu’il convient de considérer quant à la dimension délétère ou non des effets du stress.

Et si on se réfère à la définition de l’OMS, on perçoit à quel point le stress est devenu omniprésent dans nos modes de vie. « Le stress est un état d’inquiétude ou de tension mentale causé par une situation difficile. »

Mais alors, pourquoi ne réagissons-nous pas tous de la même façon aux situations ?

A un premier niveau, nous pouvons évoquer la diversité de nos sensibilités, liées à notre système sensoriel. Nous aurons pu tous en faire le constat, nous ne sommes pas tous sensibles au bruit, au froid, au soleil… Ce premier niveau concerne nos réactions physiologiques aux facteurs externes, et se traduit par un inconfort plus ou moins important, pouvant même impacter plus ou moins durablement nos organes sensoriels.

Mais à un deuxième niveau, il est intéressant d’envisager comment nos états d’inquiétude ou de tension mentale sont le fruit de nos représentations. En effet, nous pouvons être soumis au stress en dehors de la présence même de l’agression. C’est le cas de toutes les pressions que l’on vit et subit quant à des situations passées ou à venir.

Cependant, à ce deuxième niveau également, nous ne réagissons pas tous de la même manière face à des situations identiques. Cette diversité d’états mentaux trouvent son ancrage dans les expériences vécues qui colorent le présent par association d’un évènement à son dénouement vécu antérieurement. Cette fonction trouve son siège dans le système limbique du cerveau, encore appelé cerveau des émotions, et vise à nous protéger de situations vécues de façon traumatique.

Et au-delà de la singularité des expériences, nous avons construit et intégré, au cours de l’enfance, des principes qui nous ont permis de satisfaire à des exigences extérieures et de ce fait, d’éviter le désagrément de produire un comportement inadapté.

Ces principes sont nommés en analyse transactionnelle (un courant de la psychologie), les drivers.

Au nombre de 5, ils ont été formalisés comme suit :

– « Sois parfait »

– « Fais plaisir »

– « Sois fort »

– « Fais effort »

–  « Dépêche-toi »

Ils sont construits au cours de l’enfance à partir d’expressions, d’attentes, d’injonctions régulièrement entendues, sous une forme ou une autre, et ont constitué des conditions pour obtenir la reconnaissance des personnes qui nous ont élevés (parents, éducateurs, professeurs…).

Dès lors, si l’on fait retour sur les situations qui nous génèrent du stress, on peut souvent identifier à quel point nos drivers constituent des amplificateurs des exigences auxquelles nous sommes réellement confrontés. C’est ainsi que le driver « dépêche-toi » nous rendra plus facilement impatient voire irritable sur la route, lorsque nous roulons derrière un conducteur peu pressé ; alors même qu’une autre personne pourra saisir l’occasion, sans s’agacer, de regarder le paysage ou de se préparer mentalement à son activité immédiatement à venir, comme une réunion.

Cependant, les drivers ont eu une fonction dans notre développement : ils nous ont permis de construire les qualités qui signent notre personnalité. Ayant intégré le driver « fais effort », nous avons appris la persévérance et la pugnacité. Le driver « sois parfait » nous permis de construire la rigueur, l’organisation, la loyauté…

Chaque principe nous a façonnés comme le mouvement perpétuel des vagues polit les galets sur la plage. L’injonction nous a informés, non seulement dans la manifestation externe de nos actions mais également au plan psychique, nourrissant notre besoin de satisfaire, d’être conforme, d’obtenir de la reconnaissance. Finalement, l’intégration de drivers a nourri positivement notre sentiment d’être validé et d’appartenir, en tant qu’enfant, à une famille ou une communauté. Les drivers s’installent ainsi, silencieusement, dans notre vie psychique, devenant notre garantie d’intégration à une vie sociale.  

Mais, de l’intégration de ces principes à leur dictat sournois en toutes circonstances, il n’y a qu’un fil. Le fil des années qui passent, et qui confirment que la conformité à ces injonctions permet toujours d’obtenir ce qui est vécu comme une forme de renforcement positif. 

C’est alors le côté pernicieux de ce qui devient inconsciemment un code de bonne conduite à valeur morale : sa résurgence spontanée en situation de stress. En effet, lorsque nous traversons les situations dans notre zone de confort, nous pouvons choisir avec sérénité d’adapter lucidement nos comportements aux exigences objectives. 

En revanche, sous stress, nos réactions convoquent les principes les plus enfouis depuis l’enfance, qui opèrent alors comme des amplificateurs de pression. Cela peut expliquer pourquoi nous ne réagissons pas tous de la même façon face aux mêmes éléments de contexte.

Ainsi pourrait-on dire que les drivers se taillent la part du lion dans les causes internes du stress. Les reconnaître, et même les débusquer, chez soi et chez les autres, est alors un premier pas vers la gestion de nos états de tension mentale. C’est prendre conscience et ajuster, grâce au prisme de cette modélisation, ce que nous renforçons de façon inconsciente par rapport à la pression d’une situation.

Reste à apprendre comment négocier avec ces programmes bien établis. Tout un chemin de nouveaux apprentissages pour mieux vivre avec soi-même et avec autrui.